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Ce nom ne vous évoque peut être rien mais vous avez certainement tous vu un jour où l’autre la renouée du Japon. Cette plante, jadis importée du Japon colonise aujourd’hui beaucoup d’espèces à une vitesse inquiétante et est devenue un véritable cauchemar malgré les nombreuses campagnes d’arrachages !
1. LA RECONNAÎTRE
Nul besoin d’être un expert en botanique pour reconnaître à coup sûr une renouée du Japon. Elle appartient à la famille des polygonacées tout comme toutes les autres espèces du genre, toutefois beaucoup moins problématiques.
1.1 Description
La renouée du Japon est une plante vivace que l’on reconnaît aux critères suivants :
– Sa forme est touffue et la densité de tiges présentes au m² est impressionnante. Elle atteint bien souvent une hauteur de 3 m de haut pour plusieurs dizaines de m² d’étalement au fur et à mesure que la souche coriace se propage.
– Sa floraison estivale : de juillet à septembre en grandes inflorescences dressées et fines, composées d’une multitude de fleurs blanches.
– Ses feuilles tendres, à la fois triangulaires et arrondies d’au moins une quinzaine de centimètres de longueur,
– Ses tiges larges, rondes et creuses un peu à la manière du bambou. Elles sont aussi gorgées d’eau, cassantes et mouchetées de petits points pourprés.
– Ses racines et rhizomes souterrains très coriaces et envahissants. À titre indicatif, les rhizomes de renouée du Japon peuvent mesurer jusqu’à 20 m de longueur et ainsi former une nouvelle colonie bien éloigné de la colonie initiale. De même, ils pourront s’enterrer à 3 m de profondeur, d’où la difficulté d’éradiquer complètement cette vivace invincible !
– Sa croissance extrêmement rapide : jusqu’à 2 m de hauteur en 2 semaines. Ses rhizomes s’étalent quant à eux dans le sol jusqu’à 5 cm par jour.
Cette plante dispose d’un cycle végétatif annuel. C’est pour cela que le feuillage disparaît chaque année. L’énergie de la plante se stocke alors dans les rhizomes qui redonneront naissance le printemps suivant à plus de tiges. Insensible au gel, ses rhizomes si profonds lui permettront de résister à des températures largement en dessous de -20°C.
En ce qui concerne son habitat, elle apprécie principalement les zones dégagées et humides, c’est pour cela qu’elle s’implante très facilement le long des cours d’eau. Ce qui est paradoxal c’est qu’elle ne supporte pas l’asphyxie racinaire mais elle dispose, là encore, d’une ruse incroyable : elle fixe ses racines jusqu’à 1 m en dessous du cours d’eau !
À savoir : ce type d’habitat représente les conditions idéales à son développement mais la renouée du Japon pousse dans absolument toutes les expositions et tous les sols mêmes pollués ou salés !
1.2. Les variétés françaises les plus préoccupantes
– Fallopia japonica, c’est la plus courantes et avec uniquement des sujets femelles en Europe d’où son infertilité.
– Fallopia sachalinensis,
Attention : Ces trois renouées sont INTERDITES À LA VENTE et à la PLANTATION !
Il existe aussi une forme naine ornementale, autorisée à la vente contrairement au trois autres. Il s’agit de la fallopia japonica compacta ‘variegata’. Avec des proportions plus faibles, elle est aussi beaucoup moins invasive mais il faut tout de même la planter dans de gros pots qui seront mis en pleine terre de manière à ce qu’elle ne s’étende pas trop.
Elle est ravissante de par ses nouvelles pousses de couleur rose bonbon et son feuillage blanc moucheté de vert et de rose en fin de saison. La fallopia japonica ‘variegata’ est une très belle plante vivace d’ornement qui se plaira en zone ombragée et humide !
1.3. Ses utilisations à travers le monde
La renouée du Japon a beau être une calamité écologique, elle a toujours été utilisée pour diverses raisons.
Au tout début, elle fut rapatriée en Europe comme plante ornementale mais elle a vite été utilisée pour les nombreux avantages qu’elle offrait alors :
– Fourragère, elle était destinée à l’alimentation de certains animaux et était particulièrement intéressante pour son fort rendement.
– Mellifère car avec sa floraison très abondante, elle produit beaucoup de pollen qui attire énormément les insectes pollinisateurs.
– Ornementale, elle était implantée au jardin pour former de beaux effets de masses, rapidement incontrôlables. Elle joue aussi un rôle de fixateur de sols mais à l’excès.
– Alimentaire, avec son goût rappelant un peu celui de la rhubarbe, les jeunes pousses peuvent être consommées crues, en salades. Les tiges tendres de moins de 40 cm servent quant à elle à l’élaboration de diverses recettes. Par exemple, après lavage et pelage des tiges, vous pourrez réaliser à la manière de la Rhubarbe de la confiture de renouée du Japon.
2. SON DÉVELOPPEMENT
2.1. Un peu d’histoire
Cette plante incroyable était à la base présente dans son milieu d’origine au Japon. Le désir de collections de beaucoup d’aventuriers il y a plusieurs centaines d’années fit que certaines espèces ont été importées puis plantées dans de nombreux pays avant même de se soucier des conséquences possibles. C’est ce qui s’est passé en 1840 lorsqu’un médecin bavarois l’exporta du Japon.
En France, elle commença à s’installer au cours de la première guerre mondiale implantée par la cavalerie britannique qui s’en servait pour nourrir ses chevaux.
Ensuite, elle fut prélevée çà et là par certains jardiniers la trouvant attractive, qui se laissèrent eux aussi envahir. Aujourd’hui, elle colonise quasiment le monde entier principalement avec l’aide des rivières, des oiseaux ou des activités humaines.
2.2. Ses méthodes de colonisation
À notre grand bonheur, les graines produites par les renouées en France sont quasiment toutes stériles (hormis pour sachalinensis), rendant sa propagation par semis impossible. Mais ce n’est pas parce qu’elle ne se ressème pas que sa propagation est lente, bien au contraire !
Dans un espace donné, la renouée s’implante en deux temps. Dans un premier temps sur toutes les zones dégagées ainsi que les friches puis dans un second temps dans des zones déjà occupées comme les forêts ou des champs agricoles.
Pour arriver à ses fins, les trois principales méthodes d’invasion sont les suivantes :
– Par bouturage et réenracinement de tiges
Dans cette situation, notez qu’un simple fragment de tige peut vite s’enraciner à un autre endroit et c’est pour cela que le broyage de la plante n’est pas recommandé.
– Par division de rhizomes faisant office de tiges souterraines
Dans ce cas, un simple fragment d’un centimètre permet la création d’un nouveau spécimen.
Présente principalement le long des cours d’eau, des fragments de rhizomes peuvent-être déplacés via le courant, lui permettant ainsi d’aller s’enraciner plus loin.
– Par élimination de la concurrence
En effet, la renouée du Japon est aussi capable d’émettre des substances toxiques pour les racines des autres plantes directement dans le sol, rendant ainsi toute concurrence avec elle impossible. La densité de son feuillage masque aussi la lumière au sol avec une grande efficacité, empêchant à nouveau la croissance de toute autre plante plus basse ou tout simplement jeune. Enfin, les rhizomes de renouées sont tellement envahissants que dans un m² de sol envahi, vous pourrez trouver plus de 100 m de rhizomes soit environ 25 kg. Par hectare, ce sont près de 29 tonnes de racines et de tiges confondus dans le cas d’une bonne invasion !
Ces trois critères expliquent facilement l’incapacité de toutes les autres plantes à s’installer ou même à résister dans de telles conditions de concurrence !
Avec tout cela, ces méthodes de propagations redoutables sont en plus favorisées par les activités humaines comme :
– Des berges dégagées et parfois trop nettoyées par l’homme.
– Le broyage de colonies de renouées qui avec un simple fragment resté dans le broyeurs pourrait s’enraciner dans une parcelle suivante. Il dispersera aussi sur le lieu de la colonie des milliers de fragments en mesure de s’enraciner à leur tour.
– Les travaux de terrassement aux endroits contaminés et avec exportation de la terre à des endroits non contaminés.
2.3. L’impact
La colonisation de cette plante est une véritable catastrophe à beaucoup de niveaux. Ses impacts sont nombreux et le problème ne fait que grandir un peu plus chaque année :
– Impact écologique :
(À gauche, la partie colonisée l’année précédente a perdu presque la totalité des espèces anciennement présentes. La partie enherbée en cours de colonisation par de jeunes pousses connaîtra le même sort).
C’est sans aucun doute le plus important du fait de la puissance de colonisation de cette plante. En effet, la renouée du Japon réduit tellement la concurrence autour d’elle qu’elle finit par faire disparaître une grande partie de la faune et de la flore endémique de l’endroit concerné. L’appauvrissement de la biodiversité est donc à la fois important et destructeur pour l’écosystème.
À titre indicatif, vous pourrez diviser la biomasse (quantité d’espèces présentes) d’invertébrés dans un massif de renouée en bord de berge par quatre par rapport à un même massif composé de saules et autres plantes de berges. À plus grande échelle, cette diminution des ressources naturelles influe directement sur les chaînes alimentaires qui se trouvent bien souvent atrophiées par ce manque de biodiversité. Certains animaux plus gros sont tout autant concernés puisqu’ils sont en haut de cette chaîne alimentaire.
En cas d’invasion, presque toutes les espèces indigènes s’en trouvent éliminées par excès de concurrence et l’homme contribue parfois à accélérer le processus. C’est notamment le cas pour les invasions en forêt car l’abattage de certains arbres réduit leur concurrence directe sur la renouée, ce qui favorise encore plus son développement.
C’est ce que l’on peut voir sur cette photo où bon nombre d’arbres ont été abattus, fragilisés, ils ne seront en plus pas en mesure de se développer à nouveau ! (en faveur de la renouée).
– Impact sur les activités humaines :
L’agriculture souffre aussi énormément de ce fléau qu’est la renouée du Japon. Une fois sa prolifération constatée aux abords d’une parcelle cultivée, les ennuis commencent :
– La plante, insensible à beaucoup de produits herbicides, finira tôt ou tard par devenir résistante à mesure qu’elle sera traitée,
– Le labour de la terre où de la renouée commençant à se développer, ne fait que propager des fragments végétatifs et encourage l’invasion.
– Impact sur le paysage
L’homme aménage depuis des décennies le paysage, mais une ombre au tableau apparaît dès lors que la renouée du japon commence à s’installer à tel ou tel endroit, même si l’impact visuel est moins grave que l’impact sur l’environnement.
C’est en grande partie la taille et les proportions de cette plante qui fait qu’elle détruit complètement toute l’histoire et le visuel de certains paysages.
Cependant, sur une parcelle boisée et l’autre à nu, l’influence visuelle de la renouée une fois installée n’est pas du tout la même, mais les dommages écologiques seront plus important dans le sens où bon nombre d’espèces sont encore présentes.
3. L’ÉRADIQUER
Après tout cela, vous l’aurez compris, il est très difficile de se débarrasser de cette plante. Il existe cependant quelques méthodes sur le long terme qui visent plutôt à appauvrir la plante pour en limiter son expansion. Parmi les plus courantes vous pourrez observer deux types de luttes.
3.1. La lutte préventive
Ce sera toujours la lutte préventive qui sera la plus efficace. Éviter l’installation de la renouée du Japon est le meilleur moyen de ne pas lutter directement contre elle.
– Éviter l’installation :
Pour prendre le problème à la source, c’est l’aménagement des bords de rivières qui doit être géré au mieux. Favoriser l’installation et le maintien des plantes locale, qu’elles soient vivaces ou ligneuses, permet d’offrir un couvert végétal et une concurrence racinaire dans lesquels l’installation de la renouée serait plus compliquée.
Des milieux biodivers composés d’une végétation dense, resteront le meilleur moyen préventif de lutte contre cette dernière.
– Éviter la délocalisation involontaire :
De même, des précautions devraient être accentuées par les activités humaines dès lors qu’une zone envahie est traitée. C’est pourquoi le nettoyage du matériel de fauche aux endroits fauchés est important et éviterait ainsi le voyage de fragments pouvant prospérer ailleurs. L’ensemble des déchets de fauche doit également être intégralement brûlés de manière à éviter leur déplacement par différents facteurs, dont le ruissellement.
3.2. La lutte curative
En ce qui concerne les moyens de lutte pour des surfaces déjà envahies de cette plante, le travail sera beaucoup plus compliqué et surtout très long. Les méthodes suivantes pourront être utilisées mais sans garantie.
– Le traitement chimique :
Cette méthode bien souvent radicale pour la plupart des plantes, dès lors que la bonne molécule est employée, est quasi inefficace sur la renouée du Japon ! Lors d’un traitement herbicide sur le feuillage, ce dernier meurt en partie mais la tige n’est pas le moins du monde atteinte et c’est pour cela que de nouvelles feuilles ressortiront quelques jours après le traitement.
Pour une efficacité plus grande, une fauche automnale alliée à un traitement de glyphosate directement versé dans le creux de chaque tige, permet d’atteindre une partie superficielle des rhizomes. Réalisez cette opération à l’automne car c’est à cette période que la sève descend plus abondamment dans les rhizomes. L’efficacité de la molécule est donc meilleure.
Attention : La lutte chimique est absolument interdite par la loi aux abord des rivières et malheureusement, c’est dans ces zones que les colonies sont les plus importantes !
– La fauche :
La croissance extrêmement rapide de la renouée doit aller de pair avec la fréquence de fauche, soit au moins une fauche par semaine d’avril à octobre qui permettra seulement de limiter son extension. Cette solution ne viendra par contre pas à bout des quantités astronomiques de rhizomes dans le sol.
Rappelons-le, ce travail peut être à double tranchant car il nécessite que les déchets soient brûlés et le matériel correctement nettoyé après chaque passage.
Attention : ne jamais composter la renouée. Il en va de même pour le broyage qui, au lieu de l’éliminer, favorise à l’inverse sa dispersion en multipliant le nombre de fragments susceptibles de s’enraciner à nouveau !
Astuce : pour rendre cette technique plus efficace, la fauche régulière devra être associée à la réimplantation d’espèces peu délicates et à croissance rapide (Saules, Frênes, Noisetiers, Aubépines, Cornus ou Aulnes par exemple) qui reformeront petit à petit un couvert végétal et racinaire et épuiseront plus vite la renouée.
– L’arrachage manuel :
Mis à part avec une motivation à toute épreuve et un temps considérable, cette solution ne sera réalisable que sur de très jeunes colonies de moins d’un an, peu enracinées en profondeur. Pour des spécimens plus âgés, seul un travail extrêmement minutieux et en profondeur (3m de profondeur et une éradication du moindre centimètre de rhizome) pourra en venir à bout, autant dire quasiment impossible.
À savoir : selon certains témoignages, une colonie de renouée installée et ensuite arrachée consciencieusement au fur et à mesure de la repousse, continue à émettre de nouvelles tiges 50 ans après le premier arrachage ! Ce qui prouve bien la difficulté extrême à épuiser les rhizomes souterrains de cette plante.